La nuit blanche de Catalans qui veulent le référendum à tout prix
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Une longue veillée à refaire le monde et le procès des conservateurs au pouvoir en Espagne: des Catalans de tous âges ont passé la nuit dans une école de Figueras pour être sûrs d’y tenir dimanche leur référendum d’autodétermination interdit.
L’appel avait été lancé samedi soir sur une petite place pluvieuse du centre de cette ville de 45.000 habitants, qui vit naître le peintre Salvador Dali.
“Nous avons décidé d’occuper les bureaux de vote cette nuit et toute la journée de dimanche” dans huit écoles, annonçait l’instituteur Joan Font, devant le local du parti d’extrême gauche indépendantiste CUP.
“Si quelqu’un veut nous déranger, ajoutait ce maître de 37 ans, il faudra rester très tranquilles, rire, pratiquer la résistance passive – nous avons beaucoup d’oeillets à distribuer – et essayer qu’ils tardent le plus possible à emporter notre urne”.
A 74 ans, Ignasi Llobel, canne à la main, s’est engouffré dès 21H00 dans le collège Ramon Muntaner, comme des dizaines d’autres volontaires décidés à y garantir la tenue du référendum d’autodétermination déclaré anticonstitutionnel.
A peine questionné, cet infirmier à la retraite dépeint longuement les conservateurs du gouvernement espagnol de Mariano Rajoy en héritiers “des fascistes” et, dit vouloir se débarrasser de leur domination grâce à la sécession.
A 23H00, des hommes et femmes sortent consciencieusement fumer hors des salles de classes, d’autres vont chanter – allègrement, en catalan – avec les occupants de l’école voisine.
Dans leur bouche, les mêmes thèmes reviennent: le Franquisme resté “latent” faute d’avoir été clairement condamné. La Constitution de 1978 qui n’avait tout résolu qu'”en apparence”. La Catalogne soumise à une générosité trop “forcée” envers les autres régions. Ou les lois de votées à Barcelone mais bien vite retoquées à Madrid…
“Nous avons une démocratie low cost, ça va tant qu’on ne touche pas à quelque chose qui les gêne”, commente Mireia Mata, élue du parti indépendantiste de gauche républicaine ERC, “directrice de l’égalité” à l’exécutif régional, en pantalon et veste de jeans.
Serrant joyeusement ses deux enfants de 15 ans contre elle, dans l’attente du référendum, elle parle d'”une lutte non pas pour un drapeau mais pour une société meilleure”. Quand on lui dit qu’un tel indépendantisme est vu ailleurs comme une régression, elle répond: “Nous avons tellement souvent essayé de changer l’Espagne… avant de désespérer”.
Quant au projet de proclamer l’indépendance si le “oui” l’emportait, même sans avoir convaincu une grande partie des Catalans, elle le justifie en affirmant: “C’est notre moment… Nous sommes dans une situation d’asphyxie économique, en train de perdre toute une génération de jeunes qui s’en vont faute d’un travail digne” ici.
– Ados anti et pro-indépendance –
Dans le patio de l’ancien couvent franciscain, cartes en main, Oriol Sala joue au “Jungle speed” avec trois amis.
Pour cet étudiant en sciences de l’environnement de 20 ans, M. Rajoy n’a pas voulu entendre que le peuple catalan lui disait quelque chose à coups d’immenses manifestations. Mais le président catalan Carles Puigdemont “ne veut pas non plus parler à Rajoy” désormais.
“Ils sont fâchés comme deux enfants. Rajoy dit: +je suis le plus grand, j’exerce mon pouvoir et t’envoie toute ma force policière+. Puigdemont répond: +moi je t’emplis les rues de gens, on verra bien qui gagne+”.
Ses parents “ne savent pas s’ils iront voter” au référendum unilatéral, dit-il, dans sa région très partagée.
Une mode a d’ailleurs gagné les lycéennes de Figueras, dans la rue comme en photos sur les réseaux: celle de se promener en affichant leur amitié indéfectible, l’une portant le drapeau indépendantiste catalan et l’autre celui de l’Espagne…
Oriol dit, lui, s’être senti indépendantiste quand Madrid a refusé à la Catalogne “le droit d’être une communauté autonome comme le Pays basque” qui gère entièrement ses impôts. Peut-être pas si indépendantiste que ça, l’étudiant glisse d’ailleurs que “Rajoy devrait prendre en compte la proposition d’une économie catalane comme la basque, sans quitter l’Espagne”.
Résolu à protéger son ancien collège devenu bureau de vote et rejoint par des dizaines d’autres volontaires au petit matin, il assurait pourtant: “si la police vient nous déloger, je m’en irai pacifiquement, sans insulter ni frapper personne. Une question de respect”.
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