Sang de porc et morgue: les dix-neuf heures de la mort de Babtchenko
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Un maquilleur l’a recouvert de sang de porc. “Et je suis mort”. Commence alors la longue nuit pendant laquelle le journaliste russe Arkadi Babtchenko est passé pour mort aux yeux du monde.
Donné pour mort mardi soir, abattu de trois balles dans le dos, Arkadi Babtchenko est réapparu au grand jour mercredi soir lors d’une conférence de presse au cours de laquelle a été révélé que l’annonce de sa mort était une mise en scène des services de sécurité ukrainien (SBU) visant à déjouer un complot.
Selon le journaliste, l’opération était préparée depuis deux mois par les services secrets, lui-même n’ayant été mis dans la confidence qu’il y a un mois.
D’abord incrédule, le journaliste finit par se prêter au jeu en découvrant que les comploteurs disposaient d’informations détaillées sur lui dont des photocopies de son passeport.
Il simule d’abord une entorse à la jambe pour des raisons de sécurité. “Ca fait peur d’aller au magasin quand tu sais qu’on peut te zigouiller à tout moment”, a-t-il expliqué jeudi à la presse.
Le jour J, mardi, vers 18H00 un maquilleur arrive chez lui. Après un entraînement, Arkadi met son t-shirt, préalablement troué par balles, et tombe sur le sol faisant attention pour bien ressembler à un homme aux poumons blessés.
On le recouvre ensuite du sand de porc. “J’en ai pris dans la bouche et recraché, on m’en a mis des caillots dans les trous de balles, dans le nez”, a-t-il décrit.
C’est alors, paraît-il, qu’a été prise la photo de son “corps” dans une flaque de sang qui a circulé dans des médias et sur les réseaux sociaux.
L’Ukrainien Evguen Laouer, un ex-reporter qui aurait des connexions au sein de la police, a été le premier à l’avoir posté sur sa page Facebook, sans préciser sa source. Le jour suivant, il s’est dit “fier d’avoir été utilisé, sans le savoir, dans cette opération”.
– Des dizaines de personnes prévenues –
Une fois les préparatifs achevés, autour de 21H00, l’épouse du journaliste, Olga, appele la police et l’ambulance.
Des policiers, qui ignorent ce qui se passe, font vite le tour de l’appartement en quête du “tueur”.
Arkadi est transporté dans l’ambulance sur les brancards. Le médecin est au courant. “La tentative de me réanimer s’est avérée infructueuse et je suis mort”, résume-t-il.
Parallèlement, un ami et collègue du Babtchenko, Aïder Moujdabaïev, annonce sur Facebook que le journaliste est blessé par balles. Peu après, la police confirme officiellement son décès, provoquant un choc général.
Quand les médias débarquent devant l’immeuble de M. Babtchenko en périphérie de Kiev, une quinzaine de policiers armés bouclent les lieux, leur voitures clignotant dans la nuit. La femme de Arkadi, introuvable, “n’est pas en état de témoigner”, assure la police.
“Quand se referme la porte de la morgue derrière moi, ici, j’ai ressuscité”, explique le journaliste. “C’est seulement à la morgue que j’ai cessé d’avoir peur”, ironise-t-il.
“On est arrivé à la morgue vers 10 heures du soir, tous mes vêtements étaient tachés de sang que j’ai lavé comme j’ai pu. On m’a donné un drap, je me suis enveloppé et j’ai regardé les informations (…), il s’avérait que j’étais un chic type”.
M. Babtchenko explique avoir été ensuite évacué de la morgue “dans un lieu sécurisé” pour ne pas être surpris par des journalistes. “Tout s’est terminé à seulement cinq heures du matin. J’ai pu aller dormir”.
Arrivés à la morgue, les journalistes sont accueillis par un médecin-légiste qui leur montre un document officiel confirmant sa mort avec mention “blessures par balles”.
Peu avant minuit, la police publié un portrait-robot de l'”assassin” présumé et le Premier ministre, Volodymyr Groïsman, visiblement pas au courant de la mascarade, réclame sur Facebook la punition des “tueurs” et met en cause “la machine totalitaire russe”.
Le lendemain, des condoléances se multiplient, dont celles de l’UE et des Etats-Unis. La Russie ouvre une enquête criminelle. Le président ukrainien Petro Porochenko, lui, garde le silence.
“Des centaines de personnes” ont été impliquées dans cette opération, mais seulement “quelques dizaines” d’entre elles, dont le chef de l’Etat, étaient informées de ce qui se passait, a indiqué à l’AFP, le député Anton Guérachtchenko, conseiller du ministre de l’Intérieur.
“On comprenait qu’on ne pourrait pas cacher l’informations plus de 24 heures”, ajoute le député selon lequel cette mise en scène était nécessaire pour suivre “la chaîne du tueur à gages (jusqu’aux) organisateurs et aux commanditaires”.
Article source: https://www.thelocal.fr/20170921/yes-you-can-live-in-paris-without-speaking-french
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